La finance au service du monde de demain: Les banques sont-elles la solution ? - Mews Partners

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Cette série d’articles propose une perspective sur la façon dont la finance peut venir en soutien de l’économie face à la crise du COVID 19. Après un premier épisode consacré à l’évolution de la dette publique, voyons maintenant comment les banques peuvent se mobiliser pour contribuer à la relance économique.

Une croissance de la dette privée, qui s’ajoute à l’explosion de la dette publique

La dette privée est supérieure à la dette publique (135,4% du PIB en T3 2019 versus 100,4% pour la dette publique), et en croissance en France. Néanmoins, le niveau d’endettement privé global reste inférieur à bon nombre de pays développés (Japon, Etats-Unis, Royaume Uni, Espagne).

Le niveau d’endettement des ménages (61,1% du PIB en T3 2019 soit 1.478 Milliards d’Euros) est inférieur à celui de la plupart des pays occidentaux, malgré la croissance observée ces dernières années.

Le niveau d’endettement des entreprises (74,3% du PIB en T3 2019 soit 1.797 Milliards d’Euros) était élevé en 2018 et 2019, et va augmenter de façon importante en 2020 compte tenu de la crise. Les statistiques publiées par la Banque de France montrent en effet une croissance de la demande de crédits des TPE/PME au premier trimestre 2020, centrée sur les crédits de trésorerie alors que la demande de crédit d’investissement stagne voire baisse. On peut donc considérer qu’il y aurait de la place pour une augmentation de la dette des ménages, mais cela n’est pas le cas pour les entreprises, et notamment les plus petites, qui vont par ailleurs avoir besoin d’investir pour se transformer en réponse à la crise.

La finance au service du monde de demain-banques_graphique

Des banques saines financièrement, en position de soutenir l’économie

Les banques sont en première ligne pour gérer cette demande de crédit, dont elles assurent le financement et gèrent le risque. Elles contribuent également au développement économique par leurs investissements dans le capital des entreprises via les marchés financiers.

Les banques sont vivement soutenues par le gouvernement français et les instances européennes :

·       La BCE fournit un accès facile et bon marché à la liquidité, vers laquelle les banques se tournent pour se refinancer en contrepartie des prêts faits à l’Etat ou aux entreprises ;

·       La BCE a accordé des assouplissements réglementaires sur la liquidité et les fonds propres, en autorisant les banques à opérer en-dessous de leurs exigences pendant une période d’au moins 1 an, et en décalant la date de mise en application des nouvelles exigences de Bâle 3.

Les résultats des banques en 2019 ont été excellents : les 7 premières banques françaises ont dégagé un résultat net de 27,6 Milliards d’Euros, en hausse de 9,5% par rapport à 2018.

Les résultats du premier trimestre 2020 restent dans l’ensemble positifs : le PNB en banque de détail ne connait pas d’évolution significative par rapport à 2019, et les principales baisses de résultats s’expliquent soit par une hausse du coût du risque (un multiple situé entre 1,8 et 3,1 fois le niveau du T1 2019), soit par des pertes sur les marchés (surtout SG et Natixis sur les produits structurés actions). Citons par exemple BNP Paribas qui clôture le trimestre avec un résultat net de 1,28 Milliards d’Euros et une baisse du PNB de la banque de détail de 1,2% par rapport au premier trimestre 2019.

Les banques sont donc solides et bénéficient d’un soutien fort du gouvernement français et de l’Europe via le rôle de la BCE.

Une mobilisation face à la crise qui ne fait que commencer

Les banques ont d’ores et déjà été appelées à se mobiliser par le gouvernement au travers de la distribution du PGE (Prêt Garanti par l’Etat). En effet, l’Etat accepte de fournir sa garantie sur une enveloppe de crédit de trésorerie de 300 Milliards d’Euros, à hauteur de 90% pour les TPE/PME. Ces crédits doivent être remboursés au bout d’un an, avec une possibilité de rééchelonnement qui ne doit pas dépasser 5 ans. A ce stade, d’après la FBF, 500.000 demandes ont été faites pour un montant de 100 Milliards d’Euros. 90% des bénéficiaires sont des TPE.

Les banques ont donné l’impression de « traîner des pieds » lors du lancement du PGE car les délais de traitement semblaient longs, et les taux d’acceptation insuffisants. Elles ont manifestement dû faire face à des difficultés opérationnelles. Elles ont surtout dû gérer une explosion des volumes de demandes de crédits à traiter (15 mois de production en 7 semaines d’après la FBF). En réalité, l’acceptation d’un PGE est quasi-automatique dans 85% des cas, les 15% restant se répartissant entre 12 à 13% d’entreprises en position de bénéficier d’une solution alternative, et 2 à 3 % de cas où la demande est rejetée, ce qui reste limité.

Le gouvernement estime que 150 à 200 Milliards seront utilisés sur les 300 Milliards prévus initialement : la question est désormais de savoir si ces crédits seront remboursés et dans quels délais. BPI France a estimé à 10% le taux de défaut probable. Cela signifie un coût maximum pour l’Etat de 18 Milliards d’Euros, et pour les banques de 2 Milliards d’Euros, un risque qu’elles peuvent certainement absorber. On peut cependant s’interroger sur la capacité réelle des TPE/PME à rembourser des crédits qui vont venir compenser non pas un simple décalage de trésorerie, mais plutôt une perte d’exploitation avérée. Si ce phénomène se confirmait, d’autres mécanismes devront prendre le relais en 2021 pour étaler la dette (avec un coût élevé pour l’Etat et les banques).

Avec le PGE, les banques reviennent à leur cœur de métier, et dans une zone où les acteurs digitaux, notamment les néo-banques, ne sont pas présentes. Le sénat a néanmoins validé le 23 avril dernier un amendement autorisant les acteurs du « crowdlending » à distribuer le PGE.

Elles sont par ailleurs confrontées à quelques baisses d’activités du fait de la crise : les souscriptions de nouveaux crédits immobiliers se sont arrêtées pendant le confinement, on observe un ralentissement du crédit consommation, des crédits d’investissement aux entreprises, et du « trade finance » (import/export). Les systèmes de paiement se sont montrés flexibles (croissance du paiement en ligne et du paiement sans contact). Dans l’ensemble, elles sont restées actives, et on attend qu’elles accompagnent la relance, avec un rôle clé pour financer les investissements de transformation. Leurs performances de demain seront intimement liées à leur capacité à jouer pleinement leur rôle de tiers de confiance, en soutenant la relance et en évitant de la freiner.

La nécessité d’un cadre qui permette d’orienter les investissements vers plus de RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale)

De nombreuses incertitudes planent sur la possibilité d’une croissance de la consommation des ménages. Celle-ci a baissé beaucoup plus que les revenus ces derniers mois, sans pour autant que l’ensemble des achats non réalisés puissent se reporter sur le futur. Il s’en suit une croissance immédiate de l’Epargne des ménages : le surplus d’Epargne accumulé serait de 60 Milliards d’Euros. La plupart des économistes indiquent que le niveau d’Epargne va rester élevé par manque de confiance dans le futur (estimation à 15% pour le second semestre 2020 à comparer à 11% au dernier trimestre 2019), et malgré une mobilisation de leur Epargne par les ménages pour faire face à la crise. Cette Epargne peut être utilisée pour soutenir les investissements qui vont être nécessaires pour rebondir.

Il nous semble donc que les investissements de long terme vont être au cœur de la relance de l’économie, que ceux-ci soient financés en dette ou en fonds propres. Se pose en même temps la question de la nature de la relance, avec un besoin de changement de paradigme pour être plus résilient, plus respectueux des hommes et de la nature. L’Etat peut agir directement en demandant des contreparties à ses interventions vis-à-vis de certaines grandes entreprises, dans l’aérien par exemple. Il faudra aussi des incitations indirectes, mises en œuvre par les banques, qui peuvent être de nature fiscale ou réglementaire. Dans le domaine réglementaire, il faut souligner l’existence d’une initiative européenne visant à imposer l’usage d’une taxonomie verte, permettant de donner une prime à l’investissement dans les entreprises répondant à des critères de type RSE. Ce sera certainement la grande réforme réglementaire de l’année 2021, et une première pierre à l’élaboration d’un cadre financier soutenant la construction d’un monde plus « vert ».

 

Crédit photo : Shutterstock

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