Manufacturing Execution System (MES) : Les 5 questions à se poser pour réussir son projet
Manufacturing-Execution-System-MES_header

Manufacturing Execution System (MES) : Les 5 questions à se poser pour réussir son projet

Les réflexions sur le déploiement de Manufacturing Execution System (MES) se font croissantes avec le basculement progressif de l’industrie dans l’ère numérique. Comme toute modification impactant la production de biens ou de produits, le déploiement d’un MES est un projet critique car il peut freiner voire arrêter complètement une chaine de fabrication ! Il est donc capital de se poser les bonnes questions pour la mise en œuvre d’un MES.

 

1. Quelle est la maturité digitale de mon entreprise ?

Vous gérez vos nomenclatures dans un tableur, vos instructions de fabrication sont écrites dans un logiciel de traitement de texte, vos ordres de fabrication sont un assemblage de documents imprimés, vos flux logistiques sont gérés avec des bordereaux papier ? La mise en œuvre d’un MES dans un tel contexte risque d’être particulièrement difficile puisqu’un MES repose avant tout sur de la donnée et non du papier ! Avant de se lancer dans l’aventure du Manufacturing Execution System, il convient de faire le point sur la maturité digitale de l’entreprise, pas uniquement sur la partie « production » mais également sur l’ensemble de la chaine de valeur de la conception – production du produit. La préparation technique des nomenclatures et des gammes se fait-elle sur des outils numériques permettant de lier les données entre elles ? La logistique saura-t-elle échanger des informations numériques avec d’autres systèmes ?

Sur la partie « production », il convient également de se poser un ensemble de questions, dont en particulier la capacité à connecter les machines de la chaine de production : disposent-elles d’automates permettant l’échange de données ? Quels sont les protocoles utilisés ? La connectivité réseau est-elle prévue ? La diversité des protocoles et des automates machines peut être un réel frein à la mise en place d’une récupération des données ‘machine’ dans le MES.

La capacité du personnel à s’approprier des outils numériques est aussi à prendre en compte : ce n’est pas un blocage en soit, mais cela va influencer considérablement le niveau d’accompagnement à prévoir pour chaque type de population (logisticien, chef d’atelier, préparateur technique, …).

 

2. Quel est l’objectif principal de mon déploiement MES ?

L’objectif de déploiement d’un Manufacturing Execution System (MES) est parfois mal défini, mal communiqué : il y a souvent confusion entre ‘digitalisation de la production’ et ‘augmentation de la productivité’. Or le déploiement d’un MES ne vise pas forcément, dans un premier temps, à augmenter la productivité.

En premier lieu, c’est une évidence, il faut inscrire le déploiement du MES dans la stratégie de l’entreprise : le MES n’est pas par définition un outil isolé, un outil de la seule ‘production’. Il nécessite des informations de la part de la conception et du bureau des méthodes, il influence les informations échangées avec la logistique et la qualité… Il faut donc que sa mise en place soit cohérente et contribue à l’objectif global de l’entreprise. Et cet objectif global peut être différent de la simple augmentation de productivité : on peut par exemple vouloir améliorer en priorité l’OTD (On Time Delivery), auquel cas le focus du MES sera mis sur le pilotage de la production.

On peut aussi avoir un besoin urgent d’amélioration de la qualité, ce qui amènera à travailler plus spécifiquement les fonctionnalités du MES liées à la traçabilité et au suivi des produits, à la gestion intégrée des non conformités et à la capacité à fournir en automatique une généalogie de la composition exacte du produit.

Une autre ambition peut être de préparer l’usine du futur : le MES sera alors vu comme une brique préalable indispensable pour pouvoir ensuite connecter les machines et les outils (smart tools), automatiser des contrôles qualité, faciliter le travail des opérateurs (Réalité Augmentée) et permettre une plus grande flexibilité de la chaine de production…

On comprend donc que la définition de l’objectif du déploiement d’un MES va impacter la façon de ‘vendre’ le projet aussi bien aux différentes équipes qu’à la direction générale. Un projet MES peut / doit être lancé sans forcément le conditionner à un calcul de ROI : si l’objectif est de préparer l’usine du futur, l’investissement dans le MES est indispensable, non pour obtenir un ROI à court ou moyen terme, mais tout simplement pour éviter de perdre l’opportunité d’utiliser de futures nouvelles technologies qui s’appuient sur le MES et qui, elles, apporteront un gain.

 

3. Mon ingénierie de fabrication est-elle compatible avec un Manufacturing Execution System (MES) ?

Le déploiement d’un MES est un élément de la continuité numérique de l’information et à ce titre, il implique une diffusion numérique en quasi temps réel de l’information entre le bureau des méthodes qui prépare les gammes de fabrication et la production qui les exécute. C’est généralement un changement important pour deux équipes habituées à travailler chacune dans leur silo, et qui ne s’échangent de l’information que lors de jalons bien précis. Imaginer mettre en place un MES sans impacter la préparation technique est donc un doux rêve… ou une garantie d’échec ! Un projet MES doit impérativement intégrer un travail sur la redéfinition de la préparation technique. Il faut d’ailleurs être prêt à envisager cette redéfinition non seulement sur le plan du contenu, mais aussi sur les processus, voire sur l’organisation.

Plus précisément, traditionnellement les instructions de travail ne sont pas ‘digitales’ : elles se présentent simplement sous la forme de texte, fût-il écrit dans un outil tel quel Word. Or pour pouvoir être exploitées par un MES, ces instructions de travail doivent être découpées selon les différents types d’objets qui les composent : une description, une collecte de données, une demande de vérification sécurité, un plan, une norme, un contrôle qualité, une nomenclature… Chacun de ces objets doit être décrit sous forme de ‘données’ et non plus de texte, pour que le MES puisse les exploiter. Cela implique donc parfois de modifier profondément les instructions de travail existantes, voire les rôles de chacun (une fois digitalisés, pourquoi les contrôles qualité ne seraient-ils pas inclus directement dans les instructions de travail par le service qualité lui-même ?). L’intégration de la refonte de la préparation technique est donc indispensable dans un projet MES.

 

4. Suis-je prêt à modifier profondément mes processus et mon organisation ?

Envisager le déploiement d’un MES comme la simple digitalisation de l’exécution des ordres de travail est beaucoup trop limitatif. Ce serait comme imaginer que l’arrivée des ERP n’a rien changé au travail et aux responsabilités des contrôleurs financiers et logisticiens. L’introduction du Manufacturing Execution System doit amener à se poser la question du rôle de chacun, à redéfinir des processus les plus efficaces possible compte tenu de ce nouvel outil. Du fait de la numérisation de l’information de production, les échanges entre les différentes équipes vont être beaucoup plus rapides et en quasi temps réel ; il est donc nécessaire de réfléchir à ces flux d’information et au rôle de chacun. Est-il encore nécessaire qu’un contrôleur qualité se charge de lancer un essai sur un banc de test, sachant que le MES peut très bien envoyer les paramètres de test au banc et récupérer le résultat, ce qui peut donc être réalisé par un opérateur (le contrôleur qualité se chargeant uniquement de l’analyse des résultats qu’il peut recevoir automatiquement sur son PC) ? Ces types d’exemples sont légion, en particulier sur les activités qui nécessitent aujourd’hui l’intervention de plusieurs équipes (production, qualité, préparation technique, logistique…) et sur lesquelles le partage d’activité peut être optimisé et fluidifié.

Cette modification du périmètre des activités n’impacte pas que le personnel de production, mais bien également tous les métiers en amont ou en aval. Par exemple, les compétences nécessaires des préparateurs techniques peuvent aussi être considérablement modifiées, en particulier si l’on veut profiter du MES pour mettre en place des instructions de travail plus visuelles et animées, telles qu’une suite d’images 3D avec annotations, utilisant la maquette numérique. Dans ce cas, un véritable savoir-faire sur l’utilisation d’une maquette 3D est nécessaire, ce que les préparateurs techniques ne maîtrisent pas forcément. Il faut alors décider, soit de les former, soit de confier la tâche de création de ces instructions de travail visuelles à une autre équipe, sous la supervision des préparateurs techniques qui conservent l’expertise métier des procédés de fabrication.

 

5. Comment prendre en compte au mieux le facteur humain

Le Manufacturing Execution System est un outil qui va être utilisé quasiment chaque minute par les opérateurs et opératrices de la chaine de fabrication, par les chefs d’atelier, la qualité,… Il est donc indispensable de les impliquer dans le projet MES. Il faut dans un premier temps partager avec les équipes la vision du MES, ce qu’on en attend et la façon dont ça s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise. Il faut susciter l’adhésion en soulignant ce que cela va apporter à chacun et en quoi cela va participer à la performance de l’entreprise. L’ambition et la solution MES elle-même doit être co-construite avec eux : comment souhaitent-ils interagir avec l’outil (PC, tablette, quel type d’interface), quelles informations ils souhaitent avoir à disposition dans l’outil pour faciliter leur travail de production (les objectifs de production de la journée et leur positionnement instantané, des illustrations 3D de l’activité de montage à réaliser,…). Cette implication dans les étapes de définition de la solution est clé pour favoriser leur adhésion et assurer que l’outil leur sera utile. Qui plus est ils sont les mieux placés pour définir ce dont ils ont besoin pour travailler efficacement.

Pour construire la confiance autour de l’outil, il est aussi important de privilégier des déploiements itératifs de quelques fonctionnalités plutôt qu’un gros big-bang de l’outil entier. Cette approche plus progressive permet de rassurer les équipes, de leur donner du temps pour se familiariser avec l’outil, et d’adapter progressivement les habitudes de travail. Un facteur important dans ce type d’approche itérative est de bien prendre en compte au fur et à mesure les retours terrain, pour adapter et ajuster l’outil et démontrer ainsi à chacun qu’il est acteur de cette transformation.

Pour tirer au mieux parti du Manufacturing Execution System, il faut donc dès le départ être prêt à ajuster ses processus, sur tous les métiers impactés ou impactant la production. Le projet MES est un vrai projet de transformation de l’entreprise qu’il ne faut surtout pas cantonner au domaine de la production.

 

Partager
Découvrez aussi