Repenser la gouvernance des données : par où commencer ?
Technology background. Big data concept. Binary computer code.  Vector illustration.

Repenser la gouvernance des données : par où commencer ?

Longtemps perçue comme une contrainte technique ou un chantier fastidieux, la gouvernance des données s’impose aujourd’hui comme un levier stratégique incontournable. À mesure que la donnée devient une matière première essentielle à la prise de décisions, sa fiabilité, sa lisibilité et son accessibilité conditionnent directement la performance des organisations. 

Nous avions analysé dans un article précédent, les causes récurrentes d’échec des projets de gouvernance des données : vision floue, pilotage technocentré, carence de liens avec des cas d’usage métier, ou encore manque d’appropriation. Pour dépasser ces blocages, il est essentiel de repenser la manière d’aborder la gouvernance, dès les premières étapes. 

Mais par où commencer, lorsque tout semble à construire (ou à déconstruire) ? 

Commencer petit, pour créer de l’impact

La tentation est grande de vouloir tout planifier en amont : architecture cible, catalogue de données, référentiels, rôles, outils… Ce modèle, très structurant en apparence, conduit malheureusement souvent à une inertie prolongée. Plus la phase de conception s’étire, plus le fossé se creuse entre les ambitions stratégiques et les besoins opérationnels. 

À l’inverse, une approche progressive, centrée sur les usages, permet de rendre la gouvernance immédiatement utile. En privilégiant des démarches incrémentales (quick wins ciblés, sur des périmètres maîtrisés, avec des résultats mesurables), les organisations peuvent ancrer durablement la gouvernance dans la réalité du terrain et enclencher un cercle vertueux de mobilisation interne. 

Trois leviers pour enclencher la dynamique

Pour y parvenir, les entreprises doivent évidemment activer les bons leviers. En cela, trois dimensions complémentaires leur permettront de passer de l’intention stratégique à une véritable réalité opérationnelle. 

Faire de la culture data un actif commun 

Au sein d’une entreprise, la gouvernance ne peut s’incarner que si la donnée est reconnue comme un actif stratégique commun. Or, dans de nombreuses organisations, la culture data reste diffuse : la donnée est perçue comme un sujet technique, parfois opaque, fastidieux, rarement prioritaire. Il est en premier lieu essentiel de transformer les représentations collectives autour de la donnée. Cela passe par des dispositifs concrets à mettre en œuvre : ateliers d’acculturation, mises en situation, jeux de rôle, simulations projet. L’objectif est de permettre à chacun (métiers, fonctions support, encadrement), de comprendre le potentiel de la donnée et de se l’approprier. C’est un prérequis essentiel à l’instauration d’une gouvernance durable et soutenue. 

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Structurer les responsabilités et les rituels de décision 

Sans clarification des rôles et des circuits de décision, la gouvernance reste théorique. Il est essentiel d’articuler les responsabilités de manière explicite, lisible et fonctionnelle. C’est une démarche qui implique la définition de principes communs, la formalisation des règles de qualité, une anticipation du cycle de vie des données et l’organisation claire de l’accès aux référentiels.  

Construire une architecture de gouvernance opérationnelle passe aussi par la désignation de référents data par domaine, l’animation de ces communautés (par exemple, par des sessions de storytelling, des hackatons axés nettoyage de donnés, des « data-sprints » pour favoriser l’idéation), et la mise en place de comités de pilotage réguliers et efficaces. En clarifiant les responsabilités, on fluidifie les échanges, on responsabilise les acteurs, et on sécurise les décisions fondées sur la donnée. 

Mobiliser les outils au bon moment, pour les bons usages 

Il est souvent tentant (et c’est un biais régulièrement observé), de croire qu’un bon outil peut résoudre les problèmes de gouvernance. En réalité, la technologie ne crée de valeur que si elle s’inscrit dans un cadre d’usage déjà structuré. Déployer un MDM, un data catalog ou une solution de gestion de la qualité des données sans alignement métier préalable revient tout simplement à poser une couche technologique sur une gouvernance inexistante.  

Les outils doivent être introduits comme des accélérateurs, non comme des points de départ. Ce n’est qu’une fois les processus clarifiés et les rôles définis que la technologie viendra renforcer leur impact : fiabiliser les échanges, automatiser les contrôles, tracer les usages. C’est dans ce cadre que les outils trouvent leur réelle et pleine efficacité. 

Des résultats concrets, visibles et mesurables

Les initiatives de définition et de mise en œuvre de gouvernance de la donnée (et potentiellement les outils associés) sont longues. Afin de conserver une dynamique, des gains tangibles pour les équipes doivent être mis en valeur régulièrement. Et c’est la rapidité avec laquelle ces premiers gains apparaissent qui influent le succès de l’initiative : ce sont les quick-wins. 

Les quick wins ne sont ni des pansements, ni des solutions superficielles : ce sont des démonstrateurs. Ils permettent de résoudre rapidement des irritants très concrets (bases clients désordonnées, référentiels produits incomplets, redondances entre systèmes, erreurs dans les reportings) tout en posant les premiers jalons d’une gouvernance plus ambitieuse 

Il faut alors identifier les opportunités et mettre en place des démarches structurées permettant d’atteindre des résultats tangibles (réduction des doublons, amélioration de la qualité de données critiques, fiabilisation de tableaux de bord, meilleure cohérence des flux…). Cette capacité à atteindre ce retour rapide sur investissement est décisive pour mobiliser les directions métiers et convaincre du bien-fondé d’une gouvernance plus large. 

Structurer un pilote efficace

Pour que ce projet pilote produise des résultats concrets et mobilisateurs, il doit reposer sur une méthode rigoureuse et éprouvée. Trois principes structurants peuvent guider l’action.  

Identifier un cas d’usage à fort enjeu 

Un pilote réussi ne repose pas sur la simplicité d’exécution, mais sur la pertinence métier, le gain associé et l’impact perçu. Il s’agit de cibler un cas d’usage à forte visibilité, porteur de valeur et de sens pour les équipes : exigences réglementaires, fiabilité d’un indicateur clé, efficacité de la supply chain, qualité des interactions clients… La gouvernance devient ainsi un levier de résolution de problèmes concrets, et non une fin en soi. 

Impliquer à parts égales les métiers et la direction des systèmes d’information (DSI) 

Une gouvernance durable ne peut qu’être co-construite. Les métiers doivent pouvoir exprimer leurs besoins, prioriser les sujets, arbitrer les règles. La DSI, de son côté, garantit la robustesse des architectures et la cohérence des solutions. Par exemple, dans un contexte de maîtrise du référentiel produit, les équipes métiers vont définir les processus de création de référence ainsi que l’outil qui sera maître de cette donnée. La DSI quant à elle s’assurera que les droits en création soient bien appliqués aux bonnes personnes et que tous les autres outils utilisant le référentiel produit feront bien référence à l’outil maître. 

Le dialogue entre ces deux mondes est essentiel : il permet de traduire les enjeux techniques en impacts métiers, et inversement, pour construire des solutions réellement opérationnelles. 

Poser des indicateurs dès le départ 

Il n’y a pas de gouvernance utile sans mesure de l’impact. Dès la phase de cadrage, il est crucial de définir des indicateurs lisibles et partagés : qualité des données (taux d’erreurs, complétude), efficacité opérationnelle (temps de traitement, taux d’automatisation), performance business (conversion, satisfaction client, fiabilité des prévisions). Ces métriques permettent de justifier les efforts, d’ajuster les démarches et de valoriser les résultats obtenus. 

Conclusion : faire de la gouvernance un levier d’action

La gouvernance des données ne doit définitivement pas être un méta-projet abstrait, éloigné des réalités opérationnelles. Lorsqu’elle est bien pensée, elle devient un levier puissant au service de l’efficacité, de la transparence et de la confiance. 

Mais pour qu’elle produise des effets concrets, il faut accepter de commencer modestement, de construire à partir des usages réels, et de s’appuyer sur une dynamique collective. Une gouvernance utile est toujours une gouvernance incarnée : ancrée dans les pratiques, portée par les métiers, soutenue par des résultats visibles. 

C’est à cette condition qu’elle cesse d’être une contrainte pour devenir un véritable moteur de transformation. 

Xavier BRUCKER

Managing Partner Mews Labs

Christian HEHL

Partner

Jean-François PAILLARD

Senior Manager

A propos de Mews Partners

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